« Un homme, une année » me répond Fred Blanchard, créateur de cette nouvelle série. Le principe est de raconter les grands évènements de l’histoire à travers le destin d’un inconnu. Et logiquement, les auteurs, Jean-Pierre Pécau en tête (Jour J), ne peuvent que commencer par le plus célèbre d’entre eux, le Soldat Inconnu. Dans le cercueil qui repose sous l’Arc de Triomphe depuis 1920 se trouve un héros, un Poilu. Mais qui est-il? Pourquoi pas un tirailleur sénégalais?
Au coeur des tranchées , se retrouvent deux hommes, que tout séparent. Ils viennent de la Côte d’Ivoire. Boubacar N’Doré et Joseph, son maître dans les plantations, vivent ensemble l’enfer de la Grande Guerre. Ils combattent en Afrique avant de retrouver Verdun. Dans cette folie meurtrière, le tirailleur sénégalais va montrer son héroïsme jusqu’à y laisser la vie. Son compagnon d’arme, blessé, souhaite l’honorer une dernière fois. En 1920, une occasion s’offre à lui, suite à la décision d’inhumer un déshérité de la mort sous l’Arc de triomphe.
Jean-Pierre Pécau et Fred Duval construisent un récit palpitant. La Grande Guerre se vit à travers l’amitié d’un aventurier blanc et d’un ancien esclave noir.  De la terre africaine à la boue de Verdun, le destin des deux hommes illustrent le parcours de l’arrmée d’Afrique.
Les scénaristes trouvent en Mr FAb, un complice à la hauteur de leur ambition. Le dessinateur (qui crée des costumes pour le cinéma)  propose un graphisme élégant et précis. Ce premier one-shot sera suivi par d’autres titres cette année dont: 1815, L’homme qui hurla « Merde ! » à Waterloo.
« Mon seul regret est de ne pas avoir trouvé de femme sur les sept premiers albums » m’avoue Fred Blanchard. Il promet de rapidemment réparer ce manque.
L’homme de l’année: 1917, Le Soldat Inconnu aux éditions Delcourt.
Scénario: Jean Pierre Pécau et Fred Duval
Dessin: Mr Fab.
Voilà enfin l’épilogue de cette série d’aventure à l’écriture et au graphisme remarquable. Mais attention si Le Scorpion va enfin savoir qui est son père et qui se cache derrière ses ennemis, il ne fait que fermer une page pour reprendre son envol. « Il faut désormais qu’il crève l’abcès » m’explique Stephen Desberg « pour vivre sa destinée sans contrainte ».
Depuis son retour à Rome, Le Scorpion s’accroche au pape Trebaldi comme une véritable sangsue. Il est bien décidé à le faire payer le prix fort pour sa responsabilité dans l’exécution de sa mère. Mais, le héros tatoué, à la lame virevoltante, apprend que son ennemi n’est pas celui qu’il croyait. Tout se complique avec l’arrivée de Tiberio, un assassin à la solde d’un mystérieux commanditaire, qui cherche notre Scorpion depuis plus de 20 ans. Notre héros se retrouve dans un richissime palais, celui de la famille Latal alors que de son côté, le pape, qui manque de soldats, recrute chez les lépreux. Tous les protagonistes se donnent rendez-vous pour un final époustouflant et tragique dans la Basilique Saint-Pierre.
« Il fallait terminer par un feu d’artifice » me dit en souriant Stephen Desberg. Le scénariste du Scorpion nous plonge dans une sarabande mortelle. D’une grande densité, le récit de ce 10 ème album multiplie les rebondissements et les flash-back tout en gardant sa lisibilité. Et comme toujours, la maestria du dessinateur Enrico Marini constitue le plus grand atout de cette série. Même s’il m’avoue « avoir eu du mal avec la Basilique Saint-Pierre » qui demande « beaucoup de travail à cause de sa richesse ornemental », il « s’en est sorti ».
Les combats sont un véritable monument graphique. Le panache des grands films de capes et d’épées trouve ici son accomplissement. « Fini les robes, place aux pantalons » m’explique Enrico Marini qui promet de nouvelles aventures loin de Rome. Bon vent, Scorpion !
Le Scorpion, t10 aux éditions Dargaud.
Scénario: Stephen Desberg.
Dessin: Enrico Marini.
La série « U-Boot » joue les prolongations. Jean-Yves Delitte propose un troisième tome à son diptyque sortie en 2011. Il faut dire que l’auteur avait largement la matière pour aller plus loin. « Je me suis engouffré dans les petits trous du scénario » m’explique le dessinateur.
Un nouveau récit qui s’attache à comprendre qui est « Jude », la fameuse tueuse qui met fin aux agissements de son employeur: la multinationale Maher crée par un ancien savant nazi capable de régénérer ses cellules. Meurtres, sauts dans le temps, le lecteur tente de replacer les pièces d’un puzzle complexe.
Jean-Yves Delitte m’explique qu’en montrant l’évolution d’une société toujours plus technologique où le « fichage » est constant, il affiche ses propres peurs. Celles d’une « perte de la créativité, de la folie qui faisait le propre de l’homme » me dit-il. Mais au-delà de ces réflexions, cette bd est un vrai divertissement où la multiplication des lieux et des époques permet un voyage graphique enthousiasmant: du fleuve Amazone à New-York, des U-Boot aux avions futuristes.
Bien connu pour son Å“uvre maritime le « Bélem », Jean-Yves Delitte m’avoue que déjà enfant il dessinait de la science-fiction. Avec ces albums, il montre son envie d’éclectisme et l’étendue de son talent.
U-Boot, t3 aux éditions 12 bis.
Scénario et dessin: Jean-Yves Delitte.